La halte des tisserands

Complainte de lumière

Installation sonore


Oscillateur photoélectrique, amplificateur et aluminium
70’’x12’’x36’’
2023

À la première lueur, je ne me lève pas.
Aujourd’hui, je ne veux pas y aller.

Je n’ai qu’une petite couverture de plastique. Ils ont des fusils laser.
Je suis à pied. Ils ont des Kawasaki ninja.

Il fait trop froid, trop chaud.
Le temps est gris, le soleil est aveuglant.

Aujourd’hui, je chante la plus vieille chanson du monde.
Celle que l’on chante de naissance à la mort.

Aujourd’hui, je me lamenterai toute la journée.


Complainte de lumière est une performance sonore sur les thèmes du cycle du travail et de la dépression.
L’instrument est un oscillateur activé par des cellules photoélectriques.
C’est le niveau d’exposition à la lumière appliqué sur celles-ci qui libère le courant électrique se traduisant en son. Les cellules font passer le courant dans deux condensateurs différents, faisant varier la tonalité du signal selon l’intensité et la position de la source lumineuse.

L’oscillateur fonctionne selon le «principe d’avalanche», appliqué à un transistor. En d’autres mots, ça signifie que chaque son individuel est le manifeste d’un «débordement» d’électricité dans le circuit.
À l’aube, c’est plutôt calme, avec un bruit à la seconde. Puis, la journée commence et l’instrument est de plus en plus exposé. Le débordement se fait à une telle vitesse que les sons ne sont même plus identifiables individuellement. Il est alors inarêtable jusqu’au soir.


Puis, il recommence le lendemain.

SUPERWRAP

Exposée mai à septembre 2022 sur l’avenue Laurier Ouest dans le cadre de Vitrine sur l’Art.

Aluminium, acier peint, projecteurs, plastique microfacetté
96’’x72’’x48’’
2022

Composée d’armature métallique, de tôles d’acier et de pellicule plastique, SUPERWRAP explore l’évolution récente de l’interface entre l’espace public et privé, passant par l’hyper-rationalisation des mœurs.

C’est un corps détenant peau, squelette et cœur.

La pièce fait référence aux thèmes du cloisonnement, de la fracture physique et morale entre les espaces, ainsi qu’à la surprotection individuelle par l’ajout de couches superficielles entre les êtres.  Son squelette, cartésien et prévisible, appelle aux thèmes de la solidarité, de la rationalisation et du normatif, essentiels à l’aseptisation des rapports humains.

Jouant de couleurs et de matérialité, SUPERWRAP est aussi haute que fragile.

Le 7e voyage de Sinbad

Sculptures métalliques en suspension (mobiles) utilisant des matières premières recyclées.

Les sculptures du 7e Voyage de Sinbad sont fabriquées à partir de matériaux métalliques délaissés.
Ils peuvent être issus de pratiques industrielles ou d’objets du quotidien. Ils sont transformés afin que leur forme antérieure devienne méconnaissable et qu’elle ne nuise pas à la lecture de l’ensemble de l’œuvre. Dans son intégrité, la forme résultante crée un récit sculptural entre les différentes histoires des objets qui la consistent.

Nous n’avons que très peu de contact et de connaissances sur la provenance des objets manufacturés qui nous entourent. Le fait de créer une nouvelle forme à partir d’objets ayant déjà eu une vocation antérieure, sans qu’ils soient reconnaissables, est un geste incitant à la réflexion sur les concepts de production de masse et de renouveau matériel constant.

Le mobile, issu d’un monde imaginaire, est à la fois solide et délicat. Il s’impose devant nous comme un animal fantastique, un vaisseau flottant, une botanique faite d’acier.
La moindre brise lui incite le mouvement. Le même souffle qui fait tranquillement danser l’herbe, celui qui est si doux qu’il est pour nous imperceptible.

Constitué d’éléments manufacturés il adopte une architecture organique.
Sa création donne, en quelque sorte, la force aux matériaux d’adopter à nouveau une forme qui se rapproche de l’univers naturel duquel ils sont issus.

L’élément sculptural peut être interprété comme une intervention humaine naïve et maladroite tentant d’imiter la nature. Sans grand bruit, on le glisse dans la biocénose urbaine. On le laisse s’approprier son contexte, on laisse le contexte se l’approprier.

Il se meut, il brille, il sonne, il tangue. Il est en équilibre entre l’entité réelle et imaginaire. C’est une réverbération du territoire. C’est un territoire parallèle, fantastique.

Grille ouverte

La séparation en quadrillage est l’étape primordiale de définition d’une surface ou d’un volume, qu’importe sa forme et son échelle.
Il en est ainsi depuis l’antiquité. En témoignent les cartes du ciel les plus anciennes, tout comme les ruines de Megara Hyblaea.

Hippodamos est reconnu comme le premier à avoir tracé le plan d’une ville orthogonale. Son plan de la ville de Milet, en Grèce antique, divise le territoire en quadrilatères égaux, strictement organisés en damier afin que toutes les voies entre les îlots soient parallèles ou perpendiculaires les unes aux autres.
À l’époque contemporaine, la grille est omniprésente. Barcelone, New York et Montréal, de par leur propre histoire, sont régies par des règles géométriques non loin de celles qui ont défini Milet ou Rome.

Grille ouverte explore, à travers la sculpture, le besoin intrinsèque qu’ont les humains de rationaliser et de se situer par rapport à un environnement qui est complexe et hors de l’échelle intelligible.

Cette rationalisation passe par la projection orthogonale sur un espace afin de le rendre comparable, cognitif, défini. Nous sommes dans une quête sans fin de standardisation de l’univers. Tout doit être connu, cartographié, quantifié, calculé. Sur chaque volume courbe doit être projeté un quadrillage.

Il résulte de cette pratique une illusion de la grille parfaite catégorisant tout et permettant de mettre l’ensemble de ce qui est connu à plat sur une même carte, du système solaire au coin de rue. La grille laisse l’impression d’un monde entièrement maîtrisé, classé. Rien ne doit plus être véritablement original, tel quel.

Grille ouverte joue naïvement avec ces enjeux.

Les sculptures métalliques autoportantes comportent deux éléments récurrents : le quadrillage et la forme courbe. Tordus et en contraste de couleurs, les éléments sont à la fois en opposition et en équilibre les uns avec les autres. C’est une transposition de la valse entre l’entité organique indéfinie et la quête de sa standardisation, y projetant une grille orthogonale.

Pourquoi tout est à équerre si l’être est courbe?

Biocénose

Biocénose [n.f.] Association d’êtres vivants qui vivent en équilibre dans un biotope.

Cette série s’inscrit dans une démarche d’étude de la faune et la flore commune à travers la sculpture. Le métal, rouillé et tordu, est détourné de manière à imiter avec légèreté les formes et mouvements de plantes et d’oiseaux.
Dans ces conditions, l’utilisation de matière première et de procédé d’assemblage industriel permet de mettre en parallèle des univers différents; le biogénique et le manufacturier. On tente de les faire interagir, de les rendre complémentaires.

Utilisant de l’acier non galvanisé, les pièces de Biocénose sont en constante évolution par l’oxydation. À l’image du biotope, elles changent perpétuellement en fonction de leur environnement immédiat.

L’acier brut et les soudures apparentes donnent un caractère solide et ancré à la pièce, tandis que les formes squelettiques et élancées appellent plutôt à la légèreté et à la dynamique.

La robustesse de la matière et de la facture accentue la délicatesse de la forme.

Les pièces tentent de figer l’essence du mouvement naturel et complexe d’un vol d’oiseaux, ou la danse de la flore qui tangue sous le vent.

Statique, la sculpture se meut.